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Mexique : face à l’expulsion et la répression, organisation et solidarité avec le Chanti Ollin

mardi 22 novembre 2016

Ville de Mexico. 22 novembre. Ce matin, l’espace culturel et autogéré Chanti Ollin a été expulsé par une violente opération de la police ordonnée par le gouvernement de Miguel Ángel Mancera [centre-gauche, maire de la ville de Mexico].

"Le Chanti" fait savoir qu’ils ont été expulsés par la police anti-émeute, qui a frappé et embarqué 26 de ses membres dont une mineure de moins de trois ans, embarqués au commissariat de police n° 50 [NdT : relâchés depuis à l’exception des internationaux, dont une française, menacés d’expulsion du Mexique...].

De même, ils avertissent d’une éventuelle démolition de l’espace, car des machines ont été aperçues à l’extérieur du lieu.

Nous partageons la brève suivante, écrite par des personnes proches du Chanti Ollin :

En face d’une mer de voitures, les activistes [du Chanti Ollin] ont trouvé un bâtiment pour réaliser un projet qui, douze ans plus tard, est plein de vie, de peintures murales sur les murs, des dessins des nombreuses personnes qui passent, et des inventions qui y recyclent idées et matériaux. Aujourd’hui, cet espace est en cours de destruction par le gouvernement « de gauche » de la ville de Mexico.

Mexique, capitale du pays. Le Chanti Ollin n’est pas une maison occupée. C’est un espace qui ouvre ses portes à toutes les personnes prêtes à rechercher, trouver et partager de nouvelles et d’anciennes formes de vie en harmonie avec la nature. « Pour nous, le dialogue est échange, et l’apprentissage par la pratique, la clé », fait savoir un membre de cet espace. En dépit d’être situé dans l’une des zones de la ville de Mexico connaissant la plus grosse spéculation immobilière, les membres du Chanti Ollin résistent et construisent des choix de vie alternatifs.

Suite à la grève de l’Université Nationale Autonome du Mexique (UNAM) de 1999 à 2000, un groupe de personnes ayant participé au mouvement étudiant se sont retrouvés dans la nécessité de pouvoir compter sur un espace qui leur permettrait de s’héberger et dans lequel pouvoir développer des projets et des activités alternatives qui aggloméreraient différents courants de pensée et de conceptions de vie.

Face à une mer de voitures, au milieu d’un quartier d’affaires, et après avoir fait des recherches dans différents coins de la ville, un bâtiment a été trouvé avec toutes les caractéristiques à même d’en faire un projet de vie et d’espoir. L’espace est maintenant rempli de zones pleines de vie, de peintures murales sur les murs, des dessins de la multitude de gens qui passent par là et d’inventions qui y recyclent idées et matériaux. Dans ce qui est considéré comme des ordures par les gens de la ville, eux voient une possibilité pour quelque chose de nouveau et d’utile.

Par rapport à la logique du capital qui crée des objets qui cessent de fonctionner dans un court laps de temps, ce qui les rend obsolètes et les transforme en matière à déchetterie, les habitants de Chanti créent un monde de possibilités en tirant parti de chacune des parties.

En douze ans, le projet Chanti Ollin est passé par différentes étapes et a survécu à deux tentatives d’expulsion, et vivent maintenant la troisième tentative. En début de matinée aujourd’hui, le 22 Novembre 2016, le Chanti Ollin a été expulsé par la police anti-émeute qui a frappé et embarqué 26 de ses membres et une mineure de moins de trois ans au commissariat de police n°50 [NdT : relâchés depuis à l’exception des internationaux, dont une française, menacés d’expulsion du Mexique...]. Des compas qui sont entrés en relation avec le commissariat font savoir que les autorités ont refusé de donner plus d’information au sujet des camarades, et des machines de démolition sont signalées à l’extérieur du bâtiment. Une démolition complète du lieu est à craindre. Depuis ici, nous lançons un appel à la solidarité internationale avec ce lieu et ses habitants.

Les différentes activités qui sont mises en place s’inscrivent dans la vision cyclique du Chanti. En effet, tout est complémentaire. Le four produit le pain qui sera mangé et les cendres qui sont utilisées dans les toilettes sèches, qui ont été construites ici même. De la même manière, sur son toit végétalisé sont plantés et récoltés les fruits avec lesquels ils produisent leur propre nourriture. "Le peuple mexicain est enfant de la milpa, qui n’est pas seulement un champ de maïs, mais qui comprend aussi les haricots, les courges, l’amarante. C’est notre identité, et nous devons planter les graines nécessaires pour ne pas les perdre", raconte une femme. Au Chanti, on compte aussi des groupes de danse et de théâtre qui parcourent différentes villes et communautés du pays ; un studio de musique, et un forum où chaque mercredi est réalisé un atelier de télévision communautaire qui ouvre ses portes à tous ceux qui veulent apprendre.

Sans rien demander aux institutions ni aux gouvernements, avec une critique systématique du modèle capitaliste, les membres du Chanti construisent dans leurs activités de tous les jours un espace vers une vie plus juste, qui serve de refuge artistique, culturel et idéologique doté d’ esprit ancestral. Les actions immédiates visant à la récupération et à la solidarité avec cet espace sont fondamentales à sa survie.

Informes-toi, soutiens et diffuses...

Traduction collective d’un article publié sur le site du Chanti Ollin

DERNIER COMMUNIQUE DE CHANTI OLLIN :
 
(le 22 novembre 2016 à 19h, heure française)

Au peuple du Mexique 

Aux organisations fraternelles 

A nos compañer@s de lutte

A l’aube de ce 22 novembre 2016 à 2h30 du matin, une fois de plus le mauvais gouvernement présidé par Mancera a ordonné de réprimer un mouvement culturel et artistique. Au moyen d’une opération policière démesurée l’espace Culturel Autonome Chanti Ollin a été pris d’assaut. sur l’avenue Melchor Ocampo, au coin de la rue Elba du quartier Cuauhtémoc de la ville de Mexico. 

 Environ 500 policiers anti-émeute, police d’investigation, cameramen, avec des échelles, des camions avec projecteurs et un hélicoptères. Ils ont pénétré par la force et avec une grande violence dans l’immeuble, cassant les fenêtres et les balcons du deuxième étage. Il faut noter qu’ils sont entrés sans montrer un mandat délivré par un tribunal et l’expulsion n’avait pas été notifiée préventivement. Ils sont aussi passés par les bâtiments voisins pour ouvrir un passage. En quelques minutes tous les éléments étaient déjà en place, procédant à une inspection et mettant l’édifice sous mandat de perquisition.

 Ils ont arrêté arbitrairement et sans mandat d’arrêt 26 camarades ici présents dont une fillette de 3 ans. Ils ont blessé un compañero et une compañera. 

 
Le Chanti, tout comme d’autres propriétés dans la ville de Mexico, a été abandonné par ses ex-locataires ils y a de ça de nombreuses années, et le propriétaire est mort, la société de location a fait faillite, et la demeure est restée en l’état. C’est alors qu’à partir de l’année 2003. Un groupe de jeunes s’est chargé de donner une vie culturelle, communautaire à cet immeuble. L’immeuble a été occupé avec art, culture, et écologie, ouvrant l’espace comme un point de rencontre pour les jeunes, ainsi que pour les mouvements sociaux. 

En déjà 13 ans d’existence du Chanti Ollin ; il y a eu des centaines d’ateliers, débats, représentations musicales, pièces de théâtres, offrant un espace à de nombreux jeunes sans lieux où exprimer leur travail artistique et communautaire. Depuis le Chanti, ont été organisées de nombreuses brigades et caravanes de travail volontaire dans des communautés indigènes et paysannes ainsi que dans de nombreux quartiers de la zone métropolitaine. Mais dans le même temps, il a été l’objet de persécution, d’enquête politique et de diffamation par des journalistes pré-achetés ainsi que de nombreuses tentatives violentes d’expulsion.

 
 Actuellement en raison du projet de gentrification de la Ville de Mexico, impulsé par les fonctionnaires de l’administration du gouvernement de la Ville, qui de connivence avec des hommes d’affaire avides essayent de vendre, de privatiser et d’élitiser les espaces publics. Nous assistons à un processus durant lequel le centre de la ville a été vendu et maintenant ils prétendent par l’expulsion, la répression et la criminalisation de s’approprier les espaces communautaires qu’ont construit beaucoup de personnes honnêtes de manière autogérée. 

 
 Le Chanti Ollin est une référence de la résistance à ce projet vorace, qui cherche à mettre fin à l’économie populaire et à imposer par la force ses couloirs mercantilistes de pseudo modernisation de la Ville. Ils cherchent à en finir avec le Chanti comme projet communautaire car il empêche les puissant de pouvoir continuer à s’enrichir vilement. Il convient de souligner à titre d’exemple le projet du couloir "culturel" Chapultepec. Quand bien même la population l’aie rejetté en consultation, Mancera tente de l’imposer à tout prix, car les engagements qu’il avait déjà pris avec les chefs d’entreprise devenaient trop onéreux pour les annuler.

 
 Nous exigeons la libération immédiate et inconditionnelle de tous et toutes nos compañeros et compañeras arrêtéEs arbitrairement ce matin. [NdT : la plupart ont été relachéEs depuis sauf les internationaux qui craignent une expulsion immédiate].

 
 Nous nous opposons à continuer d’enrichir les hommes d’affaires et fonctionnaires qui profitent du besoin de la population, faisant dans le même temps de la répression politique un sale business.

 
 Nous nous manifestons en défense de la terre mère, de notre culture, de notre peuple contre ce capitalisme sauvage qui cherche à faire de la vie une marchandise.

 C’est pourquoi nous continuerons à défendre notre droit à l’auto-organisation et l’auto-détermination en tant que communauté indépendante, autonome et originaire de la ville. 

 
 Nous lançons un appel pour que se manifestent ceux qui sentent dans leur cœur l’injustice que commet le mauvais gouvernement en essayant de fermer et démolir ce centre culturel autonome et autogéré. 

 
 Nous engageons la population consciente, les organisations et les communautés à se prononcer pour la continuité de ce projet culturel autonome. Le Chanti résistera tant que le peuple le soutiendra. 

 
 Nous appelons à la communauté culturelle consciente et indépendante à défendre cet espace collectif en installant une barricade culturelle à durée indéfinie. Nous invitons les musiciens, le peintres, les gens de théatre , danseurs et au delà à se solidariser avec leurs travaux pour défendre les espaces libérés.

Ainsi, comme la terre est à qui la travaille. Ainsi de même une maison est à qui l’habite !

Le Chanti Ollin est un bien commun inaliénable, il ne sera jamais une propriété privée. 

Que vivent les espaces autonomes de travail autogérés !

Mancera dégage du Chanti Ollin ! 

COMMUNIQUE DU CHANTI OLLIN :

Ce 22 novembre 2016, aux environs de 2h du matin, les compañer@s du Chanti Ollin nous sommes aperçus que des agents de police étaient en train de poser des échelles sur les murs du bâtiment qui héberge le projet situé dans la rue Melchor Ocampo, au numéro 424, au sein de la délégation Cuauthémoc. Nous avons pu nous rendre compte que l’opération étaient composée de plusieurs centaines de policiers anti-émeute. Nous sommes 26 compañeros et compañeras membres du collectif Chanti Ollin à avoir été arrêtés, et nous sommes actuellement dans le commissariat n°50 de la capitale. Jusqu’à présent nous n’avons pas reçu d’informations au sujet du motif pour lequel nous sommes détenus. Il faut souligner que l’opération s’étendait aux bâtiments voisins et que la détention a été effectuée sans aucun ordre d’arrestation, car les ordres d’arrestations dont la police disposait étaient dirigés contre des personnes qui n’habitent pas dans le bâtiment, ce qui n’était donc clairement qu’une justification pour arrêter nos compañer@s.

Nous attendons l’arrivée des compañeros avocats du collectif "A bas les murs" et de l’organisation [de droits humains] Zeferino Ladrillero. Nous voulons souligner que le caractère du Chanti Ollin en tant qu’espace autonome est d’être anti-partis politiques et anti-institutionnel, raison pour laquelle nous nous démarquons et refusons les déclarations et les soutiens provenant de partis politiques ou d’organisations promues par ceux-ci. La maison "Chanti Ollin" mise sur la culture d’une science, d’un art et d’une spiritualité en liberté et collective, raison pour laquelle les projets hébergés par cette maison se déclarent en défense des espaces autonomes et autogérés et contre les projets mortifères qui guettent non seulement la ville de Mexico, mais également le pays tout entier et bien d’autres latitudes. Nous exigeons du gouvernement de la ville de Mexico dirigé par Miguel Angel Mancera la libération de nos 26 compañer@s prisonnier.e.s et la libération ainsi que le respect des expaces qui misent sur une alternative de vie comme c’est le cas du Chanti Ollin, et nous dénonçons tous les projets de gentrification en cours dans la ville de Mexico qui cèdent ce territoire aux entreprises et transforme la ville en une affaire juteuse, niant au passage notre droit au logement, à l’éducation et à la construction d’espaces communs.

Un rassemblement est actuellement appelé devant l’espace du Chanti Ollin, afin de le protéger d’une possible démolition et du pillage du bâtiment.

LIBERTÉ POUR LES PRISONNIERS POLITIQUES

MANCERA HORS DU CHANTI OLLIN

RESPECT DES ESPACES AUTOGÉRÉS

NOTE : la police est en train de libérer les 26 personnes arrêtées, à l’exception des internationaux, menacés d’être expulsés du Mexique.