Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte

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Le Mexique insoumis en résistance

Autonomía

mardi 24 février 2004

Chiapas, Tlalnepantla, Monterrey : le Mexique insoumis en résistance

Il n’y a pas de meilleure preuve de la vigueur du mouvement
zapatiste que le surgissement, ces derniers mois, du mouvement
pour la création de la commune autonome de Tlalnepantla - à seulement
"quinze minutes" de la capitale mexicaine -, qui a été réprimé lâchement
dans le sang par le gouvernement de l’État de Morelos. Ces derniers jours
venait de se conclure la célébration de la naissance et de l’irruption sur
la scène publique de l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) à
travers le cycle d’événements nommé "20 et 10, le feu et la parole". Cela
s’est caractérisé par une suite interminable de journées, conférences,
expositions, concerts et rencontres intellectuelles ; beaucoup
d’entre elles se convertirent en éloges redondants, et sans la moindre
conséquence, de ce mouvement insurgé.

Mais, au-delà de ce que représente ce qui a commencé à se manifester dans
des villages et des communautés - surtout indigènes - d’Oaxaca, du
Guerrero, de Michoacán et, maintenant, à Tlalnepantla, État de Morelos, il
s’agit de la plus profonde assimilation du discours d’autonomie et de
résistance hérité du zapatisme. Cet héritage a comme part essentielle la
création d’une entité politique qui subvertit le système actuel : la
commune autonome. Par cette forme d’organisation sociale, la communauté assume la
responsabilité des questions qui la concernent, réaffirme les
processus de discussion communautaire et, surtout, retrouve la
capacité de décision sur son territoire et sur sa vie comme
communauté ; c’est elle qui, collectivement, prend les décisions
et a le dernier mot.

Il y a rupture catégorique avec le pouvoir des partis : avec le fait que
la sphère du politique est monopolisée, contrainte et assujettie aux
partis politiques. C’en est fini de la délégation de la problématique sociale à un appareil
central de contrôle, qu’il se nomme gouvernement régional ou fédéral, la
communauté prenant la responsabilité de cette tâche. Autonomie signifie à tout moment réappropriation de la vie et les communes
autonomes sont un mode d’organisation sociale en construction qui ne
convient pas aux intérêts capitalistes et néolibéraux représentés sous les
diverses faces de ce système : gouvernement, entrepreneurs et armée. Nous pourrions percevoir dans le futur un mouvement de communes autonomes
comme lutte de libération à portée limitée dans l’immédiat, mais dont le
potentiel de transformation révolutionnaire est ample s’il parvient à
s’étendre, se généraliser et s’approfondir dans son caractère de
subversion de la culture capitaliste. En s’articulant, ces espaces maintiennent une coordination et un appui
entre les expériences distinctes qui sont en gestation ; en plus de
s’intégrer aux autres manifestations de rébellion qui se manifestent dans
divers secteurs sociaux : travailleurs manuels, enseignants, paysans,
étudiants. C’est seulement ainsi que pourrait être arrêté le gouvernement
dans ses tentatives d’en finir avec l’expansion des communes autonomes. C’est une appréciation prétentieuse de la part du ministre de
l’intérieur, Santiago Creel Miranda, lorsqu’il affirme qu’"ici [au
Mexique], on ne permettra pas que quiconque vienne établir de nouvelles
formes de gouvernement, à son gré, pour la satisfaction d’un groupe
quelconque qui n’est pas d’accord avec l’autorité constitutionnelle". L’attitude toute-puissante, la disqualification, la criminalisation -
jusqu’à l’association au terrorisme - et les menaces des gouvernements
régional et fédéral contre la création de communes autonomes mettent
seulement en évidence qu’ils ne peuvent accepter, leurs énormes intérêts
étant en jeu, les causes véritables qui nourrissent ces projets
d’émancipation sociale. Quand un peuple, une communauté ou une personne a
assumé son autonomie, il a déterminé que le devenir de sa vie n’appartient
qu’à lui seul. L’armée et les diverses polices pourraient, dans l’immédiat, contenir ces
aspirations à Tlalnepantla, mais les "caracoles" avancent lentement et
avec ténacité, à travers la toile des réseaux de résistance, s’enracinant
chaque fois plus profondément au coeur du Mexique insoumis.

Traduction à paraître, jeudi 26 février, dans "Le Monde libertaire", de
l’éditorial du numéro 23 (janvier-février 2004) de la revue mexicaine
"Autonomía" (http://pagina.de/periodicoautonomia).