Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte

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Troisième caravane de solidarité avec les communautés zapatistes

jeudi 27 mars 2008

Troisième caravane de solidarité avec les communautés zapatistes

La caravane d’observation convoquée par l’Autre Campagne du 14 au 23 mars 2008 avait pour objectif de rendre visite aux communautés zapatistes afin de réunir la documentation sur les agressions contre les communes autonomes.

Douze visites ont été réalisées dans les Caracoles suivants :

Caracol I La Realidad
Caracol II Oventic
Caracol III La Garrucha
Caracol IV Morelia
Caracol V Roberto Barrios

Première brigade : Caracol de La Realidad

24 de Diciembre. La communauté 24 de Diciembre appartenant à la Commune autonome San Pedro de Michoacán (Caracol de La Realidad), a été expulsée en 1995. Un camp militaire y a été installé. Le 24 décembre 2006, 31 familles réoccupent leurs terres. À partir de là, elles ont subi de constantes agressions de la part de l’Union des ejidos de la Selva (UES) à qui le gouvernement a attribué le droit de cultiver 525 hectares de terres issus de l’expulsion. Les agressions les plus graves sont les suivantes :

Les membres de l’UES pénètrent dans la communauté ; saccagent à coups de machettes, brûlent les champs et les plantations de caféiers. Ils effectuent des coupes de bois illégales. La communauté se voit dépossédée de sa source d’eau par les forces armées, qui partagent cette ressource avec les membres de l’UES. La communauté se trouve menacée par l’UES, l’armée fédérale et par un camp de la Police fédérale préventive.

Deuxième brigade : Caracol d’Oventic

Communauté Huitepec Ocotal, deuxième secteur. Cette communauté est composée de la base d’appui zapatiste (BAZ) qui protège depuis 2006 une réserve écologique de 102 hectares. Le gouvernement cherche à en obtenir la propriété par l’expulsion illégale réalisée grâce à la falsification de documents. Les habitants subissent une série de harcèlements et de menaces, tant de la part de Mariano Ochoa, maire (PRI) de San Cristobal de Las Casas, que d’habitants membres du PRI dans cette zone.

Communauté 5 de Marzo. Cette communauté compte 55 hectares et comprend la BAZ, des membres de la société civile et des adhérents à l’Autre Campagne qui, depuis 1994 sont en résistance. Depuis le 5 mars 2008 le quartier 5 de Marzo s’est proclamé communauté 5 de Marzo, devenant ainsi autonome de San Cristobal de Las Casas.

Elle fait actuellement face à deux problèmes : le premier est le refus d’accès à l’eau et la coupure d’électricité par les autorités municipales ; le second est la vente et l’expropriation de terres communautaires par la falsification de documents. Les terres en question représentent environ 1 260 mètres carrés.

Communauté Sokon. Cette communauté compte 42 personnes d’origine tsotsil habitant sur un terrain d’environ 2 hectares. Depuis 2002, elles sont exclues de l’accès à une source située sur leurs terres par les habitants de la communauté voisine de Nachig, affiliée au PRD. Des tentatives de résolution pacifique de ce problème ont été entreprises, sans suite jusqu’alors.

Cette situation engendre des problèmes de santé pour tous les habitants. On constate des maladies comme des infections cutanées, diarrhées, fièvres et autres.

Les conditions de vie des femmes sont difficiles puisqu’elles doivent marcher une heure et demie dans l’insécurité (étant donné le harcèlement par les habitants de Nachig) pour laver le linge et chercher de l’eau à usage domestique.

Commune autonome San Pedro Polhó. À partir de 1997, cette communauté se compose de personnes originaires du lieu et de déplacés de guerre victimes d’agressions des paramilitaires et de l’armée régulière. La situation des déplacés relève de l’absence totale de services de base (évacuation des eaux usées, eau, éducation, alimentation). D’autre part, il y a la nécessité de récupérer les terres dont ils ont été expulsés. Ils ne peuvent les reprendre étant donné qu’elles sont occupées par des paramilitaires qui les utilisent ; de plus, leurs maisons ont été détruites et sont menacées constamment afin qu’ils ne reviennent pas. Des informations fondées circulent quant à la prochaine légalisation de leur expropriation au vu de leur six années d’absence de ces lieux.

Commune autonome San Andrés Sakamch’en de los Pobres. À partir de 1995, San Andrés, se déclare commune autonome. Au même moment, des groupes paramilitaires se forment qui harcèlent et commettent des violences à l’encontre de la communauté pour déloger les autorités traditionnelles et le conseil autonome. On veut également les expulser d’autres endroit comme le marché autonome et l’auberge sous la responsabilité du commissaire aux biens communaux (cet endroit est prévu pour héberger une future école autonome).

Troisième brigade : Caracol de La Garrucha

Cette brigade a rendu visite aux communautés San Manuel et Benito Juárez, de la Commune autonome San Manuel, et la communauté Javier Hernández, de la Commune autonome Francisco Gómez. L’expropriation de terres, les agressions verbales, menaces et intimidations sont les problèmes récurrents dans ces communautés tout comme la pollution des eaux dans la communauté Javier Hernández.

San Manuel. À partir du 11 juillet 2007, la communauté San Manuel a été spoliée de 232 hectares sur un total de 420 de terres récupérées appartenant à 8 familles bases d’appui zapatistes. 148 autres hectares sont également menacés d’expropriation par des membres de l’Association rurale d’intérêt collectif (ARIC officielle) et de l’Organisation pour la défense des droits indigènes et paysans (OPDDIC).

Benito Juárez. Dans la communauté Benito Juárez, Commune autonome San Manuel, les herbages communaux et le centre du village sont envahis par le bétail et les chevaux de 60 familles de l’ARIC, de l’Organisation des caféiculteurs d’Ocosingo (ORCAO) et de l’Organisation prolétaire Emiliano Zapata (OPEZ) qui possèdent des maisons à 300 mètres de la communauté. De même, ces gens ont tenté de construire d’autres habitations sur des terres récupérées mais les bases d’appui zapatistes ne les ont pas laissés faire. Toutefois, la menace d’expropriation de terres subsiste.

Javier Hernández. La communauté Javier Hernández de la Commune autonome Francisco Gómez, subit une pollution des eaux provenant d’une source située dans la communauté priiste de Pamalà. La conséquence sanitaire sur la population se manifeste à travers des pathologies stomacales et cutanées touchant principalement les enfants et le bétail de cette communauté. À Javier Hernández on compte 20 familles déplacées depuis un mois. Ce sont des bases d’appui zapatistes de la communauté Benito Juárez du Caracol de La Realidad. Elles ont fui les menaces et violences des membres de l’ARIC Indépendante de leur communauté d’origine.

Quatrième brigade : Caracol de Morelia

Bolon Ajaw. La communauté de Bolon Ajaw appartient à la région autonome de La Montaña. Cette dernière est sous la menace d’une expulsion provenant de membres actuels ou anciens de l’OPDDIC du village voisin de Las Cascadas de Agua Azul. À partir de 2006 lorsque certaines personnes sont devenues membres de l’OPDDIC, la communauté de Bolon Ajaw a subi des violences en de nombreuses occasions. Cette communauté se trouve en situation de grande tension subissant de constantes menaces. Les membres de la brigade ont été comptés et photographiés par des membres de l’OPDDIC du village d’Agua Azul. L’observation des faits et gestes de la communauté de Bolon Ajaw est quotidienne. Le mardi 18 mars à la mi-journée, deux touristes mexicains ont pénétré sur le territoire de Bolon Ajaw, guidés par deux membres de l’OPDDIC sous l’effet de l’alcool. Cette intrusion fait partie d’une stratégie de provocation fondée sur la violation du droit territorial et la diffamation des bases d’appui zapatistes de ce milieu. La diffamation consiste à dire aux touristes qu’il existe des personnes mal intentionnées et qu’ils sont en danger.

Cinquième brigade : Caracol de Roberto Barrios

Choles de Tumbalà. À Choles de Tumbalá, Commune autonome El Trabajo, on constate des menaces d’expulsion pour le 9 avril proférées par les propriétaires de ranchs et les organisations opposées aux zapatistes qui agissent main dans la main avec le gouvernement, la police de l’État et la police municipale. La communauté a été expulsée il y a deux ans ce qui explique la continuelle tension au sein des bases d’appui zapatistes.

Nueva Tila. À Nueva Tila, Commune autonome Vicente Guerrero, la stratégie d’expropriation de terres suit son cours. Les habitants de Nueva Tila ont observé la présence continue de barrages militaires, survols d’hélicoptères et d’avions tout comme les incursions de camions de l’armée fédérale mexicaine dans les environs, sous le prétexte de la lutte contre le narcotrafic, tout cela engendrant un harcèlement et une pression psychologique envers les habitants de la zone.

Conclusions. Les événements ci-dessus contredisent fortement les déclarations du gouverneur Juan Sabines Guerrero contenues dans une lettre adressée aux Conseils de bon gouvernement ; cette dernière a été publiée le 12 mars 2008 dans le journal La Jornada.

Tout ce qui précède nous l’affirmons en tant que membres des brigades d’observation Terre et Territoire présents dans chacune des communautés indiquées ci-dessus. Ces observateurs ont pu s’entretenir avec des personnes vivant quotidiennement ces agressions, menaces, harcèlements et spoliations. Les brigades ont documenté ces faits à partir de témoignages verbaux, photos, vidéos dans lesquels on pourra constater une situation très grave et d’urgence où se trouvent les bases d’appui zapatistes sur tout le territoire récupéré au Chiapas.

Considérant cette situation nous lançons un appel urgent à la société civile pour qu’elle se tienne informée et attentive par rapport aux déclarations mensongères et contradictoires du gouverneur du Chiapas, Juan Sabines Guerrero. Étant donné les preuves que les bases d’appui zapatistes se trouvent dans une situation d’attaques imminentes, de vols, viols, accusations mensongères, spoliations et expulsions de leurs terres mais sont aussi menacées dans leur intégrité physique et cela grâce à l’impunité dont jouissent les groupes totalement ou partiellement armés mais aussi les policiers, les membres des autorités municipales officielles.

Considérant de plus la situation des 35 prisonniers politiques en grève de la faim au Chiapas, nous avons décidé de leur rendre visite au centre pénitentiaire 14 del Amate, le samedi 15 mars. Nous avons pu vérifier que l’administration carcérale et le gouvernement de l’État ne respectent pas le droit de visite et ne nous ont donc pas laissé entrer. Nous nous joignons aux cris de justice ou liberté pour les prisonniers en grève de la faim. Nous savons que leurs familles sont actuellement réunies et nous leur témoignons notre solidarité.

Des membres de l’Autre Campagne nationale et internationale ainsi que du réseau de solidarité et contre la répression