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Mitzitón

Des paramilitaires séquestrent et torturent des zapatistes à San Cristóbal de Las Casas

Hermann Bellinghausen

mardi 9 novembre 2010

Après l’agression, ils le remirent à la police, dénoncent des adhérents de l’Autre Campagne

Des paramilitaires séquestrent et torturent des zapatistes à San Cristóbal de Las Casas

Panneau à l’entrée de Mitzitón

Une cinquantaine de membres du groupe évangélique « Armée de Dieu » ont séquestré, torturé et remis à la police deux ejidatarios de l’Autre Campagne, adhérents à la Sixième Déclaration de la forêt Lacandone de l’Armée zapatiste de libération nationale, dans l’ejido Mitzitón (municipalité de San Cristóbal de Las Casas, Chiapas).

De plus ils agressèrent leurs familles et menacèrent de violer les femmes. Deux jours plus tard, les paysans tzotziles furent obligés de payer une amende sans qu’on leur donne d’explications. Les agresseurs ne reçurent aucune sanction, bien au contraire : ils semblent qu’ils travaillent avec la police d’État du Chiapas.

L’agression a commencé dans la nuit du 2 novembre, quand des personnes identifiées comme appartenant à l’Armée de Dieu agressèrent Pedro Díaz Gómez alors qu’il rentrait chez lui. « Les paramilitaires commencèrent à le frapper » et Luis Rey Pérez Heredia « l’attrapa par le cou et l’étrangla, il voulait le tuer ». Díaz Gómez réussit à s’échapper. Ses agresseurs le poursuivirent jusqu’à sa maison, traversèrent la clôture et enfoncèrent la porte. Ils le sortirent et le frappèrent de nouveau ainsi que son épouse María de Lourdes Jiménez et une autre femme. Ils conduisirent Díaz Gómez à la maison « du dirigeant paramilitaire Gregorio Gómez Jiménez où ils l’attachèrent et le torturèrent ».

Salvador Hernández Jiménez, en voyant que son compagnon était séquestré, s’approcha pour le défendre. « Ils le frappèrent aussi et l’emmenèrent à la maison du dirigeant paramilitaire. Là ils les attachèrent tous deux, les frappèrent de nouveau et leur jetèrent des seaux d’eau. Ils écrasèrent les doigts de Pedro avec un morceau de bois. »

La police de l’État préventive était à Mitzitón jusqu’à 22 heures. « Sans respecter les autorités de la communauté, ils se rendirent directement à la maison de Gómez Jiménez et de Francisco Gómez Díaz où avaient été séquestrés les deux compagnons et les emmenèrent. Nous savons que la police sectorielle est complice des paramilitaires et c’est pour cela qu’ils n’ont emmenés que nos compagnons mais pas leurs agresseurs », signalent les témoins.

Ils demandent une amende

L’autorité ejidale arriva au parquet indigène où on les informa que les paysans avaient été emmenés à Tuxtla Gutiérrez sans leur expliquer pourquoi. L’agent de la communauté eut au téléphone les détenus dans la matinée du 3 novembre : « Pedro me dit qu’on l’avait beaucoup frappé, qu’il avait une côte cassée et des coupures et qu’il avait été durement frappés aux doigts. Il me raconta qu’ils posèrent ses doigts sur une planche et lui attachèrent les mains, qu’il avait les petits os fracturés. »

Ce même jour, à 13 h 30, une commission d’ejidatarios et l’agent municipal allèrent au Parquet général de l’État. Le 4 novembre, les deux « détenus » furent libérés après avoir payé 12 357 pesos d’amende.

Dans son témoignage l’épouse de Pedro raconte : « Ceux de l’Armée de Dieu arrivèrent avec de gros lassos, ils tirèrent deux balles en l’air puis entrèrent. Ils me poussèrent pour que je dégage de leur passage. Ils donnèrent un coup de pied à mon fils Ramon. Ils firent monter mon mari dans une camionnette puis partirent. Ils avaient le visage découvert c’est pour cela que je les ai reconnus. Je leur criais et leur demandais pourquoi ils faisaient cela alors que nous sommes voisins. Ils me dirent : "Tais-toi femme zapatiste, vous êtes amis avec les zapatistes." Ensuite nous partîmes pour la maison ejidale. Les policiers arrivèrent et dire qu’ils allaient secourir Pedro. »

Selon d’autres membres de la famille de la victime, les membres de l’Armée de Dieu sautèrent par dessus la clôture de la maison, « tirèrent deux balles » et menacèrent de violer les femmes. Parmi les agresseurs furent identifiés : Celestino Pérez Hernández, David Hernández Hernández, Miguel Jiménez Jiménez, Carmen Gómez Gómez, Julio Gómez Hernández, Ciro Hernández Díaz, Agustín Pérez Díaz, Agustín Gómez Gómez, Julio Hernández Hernández, Juan Pérez Gómez, Pedro Hernández Hernández, Andrés Jiménez Hernández, Domingo Jiménez Gómez et Jesús Jiménez Heredia. Ils sont venus dans trois camionnettes et ont dit : « Nous voulons du sang. »

Hermann Bellinghausen.

Paru dans La Jornada, le dimanche 7 novembre 2010.


Une émission radio réalisée le 15 juillet 2010 sur la Ké Huelga Radio traite (en espagnol) de la situation à Mitzitón en resituant cette dernière dans le contexte plus large de la construction d’une autoroute reliant San Cristóbal de Las Casas à Palenque et du plan mésoaméricain (une version nouvelle du plan Puebla-Panama).

Pour l’écouter http://kehuelga.org/diario/spip.php?article140&lang=es