Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte

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Déclaration politique face aux séismes au Mexique

Communiqué des brigades autonomes de solidarité

mardi 26 septembre 2017

Brigades autonomes/ Déclaration politique face aux séismes au Mexique

Au peuple du Mexique

Au Conseil Indigène de Gouvernement

Au Congrès National Indigène

A l’Armée Zapatiste de Libération Nationale

A la Sexta mexicaine et internationale

Nous sommes des collectifs et des individus adhérents à la Sixième déclaration de la forêt Lacandona, sympathisants de l’EZLN et du CNI et des personnes d’en bas à gauche solidaires avec la souffrance de nos frères victimes des séismes et du système déprédateur qui n’est rien d’autre que mortifère.

Comme en 1985, ceux qui disent être gouvernement ont été totalement dépassés par la réalité [1]. En ce moment, leur pays des merveilles, eux-mêmes ne le voient plus. Mais pendant ce temps, c’est nous, ceux d’en bas, qui subissons les conséquences de ces désastres naturels et socio-environnementaux.

Comme il y a 32 ans de cela, aujourd’hui c’est le peuple du Mexique qui sort dans la rue et va dans les villages pour apporter de l’aide, pour offrir le peu qu’il a afin de venir en aide aux autres, à celui qui souffre, à l’inconnu, au frère. Certains de ceux qui ont beaucoup ont apporté beaucoup ; ceux qui ont peu apportent ce qu’ils peuvent ; parfois, tout ce qu’ils ont entre leurs mains. Ceux qui n’ont rien apportent eux leur cœur en se mettant à disposition pour ce qu’il y a à faire. Les personnes qui déblaient les rues et qui se coordonnent pour rassembler de l’aide et la distribuer, ce sont elles. Il y a des petits patrons qui aident aussi, en donnant des aliments et de la boisson à ceux qui offrent leur temps et leur effort. L’espoir, réel, surgit de ces sourires et de ces regards solidaires.

Face à cette réponse commune, créative, créatrice, autogérée, le mauvais gouvernement répond de la seule manière qu’il connaisse : par la violence, appelant « protection civile » l’occupation militaire et répressive. Loin de faire ce qui devrait être son obligation, secourir les victimes, le gouvernement envoie l’armée, les troupes de marine et les différents corps de police pour occuper la vie civile et éviter que se rencontrent ceux d’en bas. A travers des actes de brigandage, ses agents au service de la violence volent l’aide humanitaire réunie par le peuple, et la détournent pour la distribuer sous leurs propres conditions en promouvant leurs icônes, gouvernements, institutions et partis politiques.

Sur les lieux du désastre, l’Etat s’interpose entre ceux qui travaillent pour éviter même qu’ils puissent communiquer et se coordonner entre eux. Durant ces derniers jours, nous avons pu voir comment se met en place une version particulière du plan militaire DNA-III, appelé Plan-MX [2]. De ce que nous pouvons en apprécier, l’armée arrive sur les lieux de désastre, là où le peuple participe avec succès depuis des heures et des jours au sauvetage de vies en danger, et de manière autoritaire, met de côté les secouristes pour prendre le contrôle des lieux afin d’opérer de manière complètement inutile, en augmentant le risque de décès de ceux qui sont restés coincés sous les décombres. Dans d’autres endroits, leur accès est aimable et collaboratif face aux caméras, ou bien consiste à porter le chapeau de la solidarité du peuple qui ne leur appartient pas, avant de changer de stratégie et d’empêcher ou d’obstruer la continuité des tentatives de secours.

Dans tous les cas, lorsqu’une victime est sauvée, ils se dépêchent de monter une mise en scène médiatique dans laquelle ils apparaissent comme les héros ayant mis leur vie en danger pour le Mexique. Ce qu’on pourrait en dire, c’est que ce qu’a mis en place le mauvais gouvernement, ce n’est pas une opération ayant pour priorité le sauvetage des vies, mais un montage cherchant à faire revivre son propre cadavre, victime d’un effondrement bien plus important : celui de sa propre légitimité. A un moment donné, ils interrompent toute action de sauvetage et ne permettent à personne de même s’approcher des lieux, sans donner d’informations, abandonnant ceux qui auraient pu être secourus et les laissant mourir entre les ruines des bâtiments écroulés. Cela, oui, ils le font très bien. Ce sont des experts dans l’assassinat et la disparition forcée du peuple.

Pour nous, hommes et femmes d’en bas à gauche, ce que démontrent le mauvais gouvernement et ses comparses criminels telle que la télévision, c’est un profond mépris pour la vie. Pour eux, il ne s’agit que d’un spectacle macabre convenant très bien à leurs intérêts de militarisation de la vie quotidienne et afin de reconstruire l’image sociale d’une armée qui, loin de défendre le peuple et la souveraineté de ce qui reste de la nation, a démontré être le principal protecteur des intérêts des capitalistes des transnationales et l’implacable assassin du peuple, tout spécialement de ceux qui résistent contre la spoliation de leurs territoires, de leurs ressources en eau, de leur culture, de leurs vies communautaires.

Nous attirons aussi l’attention sur la tentative de spoliation et de déplacement forcé des victimes (pour cela pour eux, les séismes sont très bien tombés). Tant dans les communautés rurales que dans les villes affectées, les désastres leur servent de prétexte pour nettoyer de leurs habitants les zones ayant de l’intérêt pour le grand capital. Dans les villes, principalement à Mexico, le séisme sert à accélérer le processus de gentrification et à distribuer de nouveaux terrains aux mafias immobilières associées aux politiciens de toutes les couleurs politiques, dont les constructions édifiées durant ces dernières années sont celles qui se sont le plus abîmées, révélant bien le laxisme dans l’application des lois, voire même l’adaptation de celles-ci pour éliminer les dispositions de sécurité nécessaires aux constructions.

Nous dénonçons et rejetons l’usage prosélyte fait par des politiciens des partis politiques dans les villages et les villes du Chiapas, de Oaxaca, Guerrero, Puebla, Morelos, Etat de Mexico et dans la capitale, grâce à des aides qui ne sont pas apportées par eux, et dans la distribution de laquelle ils laissent de côté ceux qui ne font pas partie de de leurs inconditionnels, ou bien qui ne se soumettent pas à eux. Egalement, l’oubli intentionnel des victimes qui dérangent, celles qui ne renoncent pas à leurs terres pour la laisser aux mains des capitalistes qui promeuvent leurs projets mortifères, que ce soit les éoliennes à Oaxaca, les mines à Puebla ou bien les projets immobiliers dans le District Fédéral. En ville, ce sont les sociétés immobilières qui constituent les mégaprojets mortifères qui colonisent le territoire national, et qui agissent sous les auspices et la complicité des autorités des mauvais gouvernements.

Comme si cela ne suffisait pas, ils font preuve de beaucoup d’impatience pour revenir à une apparente « normalité », même si pour eux, cela implique la disparition des personnes qui continuent à être ensevelies sous les décombres, certaines vivantes, d’autres non. Ils prétendent occulter de cette manière l’ampleur réelle de la tragédie et l’énorme corruption de ceux qui administrent, aujourd’hui tout comme hier, les gouvernements à tous les échelons. Les vies n’ont pas d’importance, ni la dignité des morts. Pour eux, des funérailles dignes n’entrent pas dans leurs calculs monétaires ni dans leurs calculs politiques. Ce qui est important, pour eux, c’est que « ça ne sente pas le cadavre », et que le chiffre des victimes, le chiffre officiel évidemment, ne soit pas en augmentation. Pour nous, toute victime vivante ou morte qui n’est pas secourue représentera une disparition forcée, vu que c’est le mauvais gouvernement qui prétend les faire disparaître et les laisser dans les décombres, privant leurs proches de la possibilité de les secourir en vie, ou tout du moins de leur adresser un adieu digne.

Nous regrettons beaucoup qu’au mépris officiel, se joigne celui d’une classe moyenne qui a pourtant reçu de l’aide sans distinction aucune durant ces moments chaotiques. Nos frères otomis qui habitent différents terrains de la colonia Condesa et des alentours, sont victimes des dégâts causés à leurs habitations, raison pour laquelle ils ont décidé de résister en campant en face de leurs terrains. Cette résistance se voit attaquée par des cris rageurs, discriminatoires et racistes de la part de cette même classe moyenne que joue à la solidarité sélective, si même elle en manifeste. Nous ne permettrons pas que nos frères soient agressés et forcés à devoir se déplacer dans des auberges-refuge qu’ils rejettent. Nous les accompagnons dans leur lutte pour conserver leurs espaces, qu’ils reconstruiront de manière autogérée et avec le soutien d’en-bas, car pour ces gens des classes moyennes, il y a aussi des victimes de première classe et de seconde.

Nous convoquons urgemment la société à refuser la soi-disante tentative de mettre un terme à la recherche des survivants et des corps. Cela doit être et doit rester la priorité, et pas les engins ou les tissus d’une fabrique de textiles, ou la belle image d’une ville repeinte en rose. Ne permettons pas un nouveau crime d’Etat, cette fois-ci contre les victimes des séismes. On se fout des protocoles qui donnent une durée réglementaire à la vie, c’est la vie qui nous importe. Nous savons que dans d’autres cas, il a été possible de récupérer en vie des personnes ensevelies depuis de nombreux jours, voire des semaines. Les engins de chantier ne doivent pas pénétrer pour déblayer les décombres tant qu’il manque ne serait-ce qu’une personne à secourir.

Nous allons engager la reconstruction auto-gérée, qui n’est pas seulement la reconstruction physique mais aussi celle du tissu social qui a été détruit par le mauvais gouvernement.

Nous défendons le développement des communautés autonomes indigènes attaquées par la contre-insurrection.

Nous défendons le travail civil, constructeur et défenseur des vies.

Nous n’allons pas céder dans le secours des victimes, vivantes ou mortes.

Nous n’allons pas céder ni les territoires, ni l’autonomie, ni l’organisation.

Nous n’allons pas permettre que la collecte populaire soit monopolisée par l’armée, l’Etat et les entreprises capitalistes.

Personne sans action de secours !

Pas un disparu de plus !

Non au détournement des collectes !

Nous voulons sauver tout le monde !

Que s’en aillent les troupes de l’armée et de la marine !

Vive la vie !

Vive l’organisation populaire !

Vive le Mexique !

Brigadistes et solidaires adhérents et sympathisants de la Sexta, réunis au Café Zapata Vive le 21 septembre 2017.

mobilisations au 286, calle Alvaro Obregon contre les déblaiements au bulldozer et pour retrouver les personnes encore ensevelies


Note : des appels sont adressés actuellement par différentes brigades brigades pour faire pression sur les ambassades et le gouvernement mexicain afin d’empêcher le déblaiement des décombres au bulldozer là où des corps ou des personnes en vie se trouvent encore ensevelies.

Quelques centres de collectes de vivres autonomes au DF :

Escuela de Cultura Popular Mártires del 68 (colonia obrera, centro), Biblioteca social reconstruir (colonia Guadalupe Victoria, metro La Raza), Multiforo Cultural Alicia (colonia Roma), Librería/Café Marabunta (colonia Romero de Terreros, Coyoacán), Cocoveg (colonia Obrera —sólo alimentos—). Desde algunos de ellos se están canalizando entregas hacia Morelos y Puebla también.


[1Le 19 septembre 1985, 32 ans jour pour jour auparavant, un séisme d’une magnitude de 8.1 sur l’échelle de Richter ravageait la ville de Mexico, provoquant plus de 10 000 morts et des millions de sinistrés. Trente deux ans après, certains quartiers de la ville portent toujours les stigmates de ce tremblement de terre, qui avait alors fait voler en éclats la légitimité populaire du gouvernement priiste de l’époque

[2les plans de défense nationale de l’armée mexicaine sont classés depuis les années 60 en trois catégories : défense face à une menace extérieure (DNA - I) ; défense face à une menace interne (DNA - II ou guerre contre-insurrectionnelle, appliqué par exemple après le soulèvement zapatiste de 1994) ; et DNA - III : défense face à une situation de sinistre