Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte

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Chiapas, la résistance

Caracol I La Realidad

Gloria Muñoz Ramirez

lundi 8 novembre 2004

Ce texte est la première partie de la traduction française de l’enquête de
Gloria Muñoz Ramirez après une année d’existence des conseils de bon
gouvernement dans les cinq Caracoles. "Chiapas, la resistancia" est paru
dans le supplément de La Jornada du 19 septembre 2004 et a été publié
par la suite dans le numéro 23 (de septembre) de Rebeldía.

Chiapas, la résistance
Caracol I La Realidad

Le Caracol de La Realidad, le premier espace construit par les zapatistes
afin d’organiser leur autonomie, fête déjà son premier anniversaire. Les
pluies sont à leur apogée, la boue commence à envahir les chemins, la
saison des elotes est terminée et les indigènes ont déjà procédé au pliage
du maïs. Sans doute que la faim n’est pas moins présente qu’auparavant, la
situation est difficile sur ces terres de la forêt, mais un tour de
reconnaissance dans cette zone permet de voir et de sentir quelque chose
qui, il y a dix ans, lorsque nous, reporters, pénétrâmes pour la première
fois dans ce territoire, n’existait tout simplement pas.

Dès l’entrée dans ce lieu emblématique qui héberge le conseil de bon
gouvernement de Hacia la esperanza ("Vers l’espérance"), il y a une petite
clinique de bois peinte en vert, qu’entourent des dizaines de personnes
rassemblées à l’extérieur. Des pancartes blanches annoncent, en plus des
différentes méthodes anticonceptionnelles, une campagne de vaccination
destinée aux enfants et aux adultes. "Nous sommes en train de combattre la
diphtérie et le tétanos", dit avec orgueil le responsable en charge de la
santé, un indigène d’âge moyen qui porte le dossier de chaque personne
soignée. Dans la file d’attente, les mères ont à la main la carte de
vaccination autonome de leurs enfants.

"Même avant notre soulèvement, affirme lors d’une interview Doroteo,
membre du conseil de bon gouvernement, nous, les villages zapatistes,
avions commencé à prendre en charge notre santé, parce que la santé est
une des principales quêtes de notre lutte, parce qu’elle est nécessaire
pour vivre que notre lutte est pour la vie."

Ici, dans le Caracol Madre de los caracoles del mar de nuestros sueños
("Mère des escargots de la mer de nos rêves"), célèbre dans le monde de la
résistance parce que, en 1996, la lutte antimondialisation connut en ce
lieu un de ses moments fondamentaux, la réussite la plus récente en
matière de santé est la mise en marche d’une salle de chirurgie. Ils la
possédaient depuis trois ans sans l’utiliser en raison de l’absence de
médecins et, ils le reconnaissent, à cause d’un manque d’organisation des
quatre communes de la région : San Pedro de Michoacán, General Emiliano
Zapata, Libertad de los Pueblos Mayas et Tierra y Libertad.

"Nous venons d’opérer deux hommes, un d’une hernie et l’autre d’une
tumeur, et nous avons ôté un kyste à une femme. Ce qui revient à dire que
l’on est aptes pour pratiquer des opérations dans cette zone zapatiste",
affirme Doroteo, alors que la femme indigène récemment opérée, de visite
au Caracol, se rétablit visiblement bien. Combien de femmes indigènes
ayant un kyste attendent dans cette zone une opération ? La réponse est
certainement préoccupante, mais, comme on dit par ici : "Ça y est, c’est
bien parti !"

La santé est l’un des domaines dont les avancées sont les plus palpables
sur le territoire zapatiste. Dans cette zone forestière frontalière avec
le Guatemala, non dépourvue de problèmes et d’obstacles, les uns internes
et les autres externes, se multiplient les campagnes de médecine
préventive. Le nettoyage des latrines à la chaux, par exemple, est
contrôlé hebdomadairement par une commission de santé dans beaucoup de
communautés, bien que, ils le reconnaissent, il y en ait d’autres qui "ne
comprennent toujours pas l’importance de la propreté, il faut expliquer
que la santé est le plus grand bien que la lutte puisse te donner, le plus
précieux, enfin".

Cette zone compte un des plus grands hôpitaux autonomes existant sur
l’ensemble du territoire rebelle. Il s’agit de l’hôpital La Primera
Esperanza de los sin rostro de Pedro ("La première espérance des
sans-visage de Pedro"), en l’honneur du sous-commandant Pedro, mort au
combat le 1er janvier 1994, responsable au commandement et compañero des
habitants de ces villages.

Dans la communauté de San José del Rio, séparé du village par un pont et
au milieu d’une végétation luxuriante, apparaît l’hôpital qui dessert
quatre communes autonomes mais qui, comme chaque projet en résistance, a
causé plus d’un souci aux communautés zapatistes. Ils racontent
qu’organiser les équipes de milliers d’indigènes servant de bases d’appui
qui participèrent à sa construction durant trois années demanda beaucoup
d’efforts. Ils reconnaissent qu’ils ont été confrontés à de nombreux
problèmes pour parvenir à le faire fonctionner ; qu’ils n’ont pas ni n’ont
eu de médecins permanents ; qu’ils viennent à peine d’inaugurer la zone de
chirurgie ; qu’une fois ils ont dû la fermer tout un mois, qu’on a dépensé
beaucoup d’argent pour la formation des promoteurs et un long etcetera
d’obstacles prédits et de problèmes inimaginables.

L’hôpital existe et, qui l’aurait dit, concurrence à présent le grand
hôpital gouvernemental de Guadalupe Tepeyac, inauguré en 1993, juste avant
le soulèvement, par l’encore président Carlos Salinas de Gortari. Ce
pompeux éléphant blanc fut administré temporairement par la Croix-Rouge
internationale, jusqu’à ce que, le 9 février 1995, il soit scandaleusement
pris d’assaut par l’armée mexicaine (sans que l’institution de Genève
fasse quoi que ce soit), pour être plus tard livré au secteur officiel de
la santé.

À l’hôpital de Guadalupe Tepeyac, racontent les bases d’appui, "quelques
fois on ne veut pas nous soigner si nous disons que nous sommes
zapatistes, ou ils nous posent beaucoup de questions pour savoir quelque
chose sur notre organisation, ou ils nous traitent comme nous traite le
gouvernement, c’est-à-dire avec mépris, comme ils traitent les indigènes
en général. À cause de cela, nous ne voulons pas y aller et à présent même
les priistes préfèrent aller à notre hôpital ou dans nos microcliniques,
parce que là-bas on s’occupe de tout le monde, zapatistes ou non, et on
les traite avec respect, enfin comme des êtres humains".

Il est fréquent de rencontrer des priistes ou des membres d’autres
organisations à l’hôpital autonome. Ils ont cessé d’aller à l’énorme
hôpital de Guadalupe Tepeyac, parce que "en tant qu’indigènes eux aussi
ils les traitent très mal ou bien on leur dit qu’il n’y a pas de
médicaments". Dans les cliniques autonomes, ceux qui ne sont pas
zapatistes paient seulement 10 pesos la consultation, et "si nous avons
des médicaments que l’on nous a donnés, alors nous leur offrons, et si
nous avons seulement des médicaments que nous avons payés, alors ils
paient le prix. Nous ne faisons pas de commerce avec la santé", affirme
Doroteo.

Le défi de gérer la santé, non seulement des bases d’appui mais de tous
les habitants des régions où elles sont présentes, est de proportions
gigantesques. Les membres du conseil affirment : "Il y a beaucoup de
travail parce que le besoin est très grand, parfois on a l’impression
qu’il faut beaucoup plus, on sent qu’il faudrait le double, mais d’autres
fois on sent que là on avance." L’hôpital de San José est aussi une école
de promoteurs de la santé. Il a été construit grâce à l’appui d’une
organisation italienne et compte aussi des cabinets de consultation
dentaire et d’herboristerie, un laboratoire clinique et même une turbine
électrique. De plus, il existe trois cliniques communales, une dans la
commune autonome Tierra y Libertad, une dans celle de Libertad de los
Pueblos Mayas et une encore à San Pedro de Michoacán.

Dans toute cette zone, il y a actuellement 118 promoteurs de la santé
s’occupant des maladies courantes dans le même nombre de maisons de santé
communautaires. Tant à l’hôpital central La Primera Esperanza de los sin
rostros de Pedro que dans les trois cliniques municipales et plus de cent
maisons de santé, il est offert des consultations gratuites aux bases
d’appui et, lorsqu’il y en a, des médicaments gratuits.
"Il y a encore quelques mois, expliquent les responsables en charge de la
santé, l’hôpital fonctionnait avec des promoteurs de la santé des
villages, qui recevaient une aide économique des quatre communes
autonomes. On les aidait avec 800 pesos par mois chacun pour qu’ils
restent à temps complet à l’hôpital. Au total, on a dépensé plus de cent
mille pesos pour ces appuis durant trois années. L’argent provenait d’un
projet d’entrepôts de ravitaillement que nous avions dans la zone. Mais, à
présent, avec le conseil, nous avons décidé de lancer un appel aux
villages afin de recruter des volontaires qui prennent soin à temps
complet, à l’hôpital, de la santé des villageois. Ont répondu à l’appel
trois hommes et trois femmes, qui ont laissé leurs villages et leurs
familles et qui déjà travaillent comme internes. Le conseil leur fournit
leur nourriture, leur transport, les chaussures et les vêtements. On leur
achète leurs tee-shirts et ce qui leur faut mais on ne leur donne aucun
salaire ni aucun appui économique. Ces hommes et ces femmes sont
conscients qu’ils travaillent pour leur peuple et profitent de cette
opportunité pour se former et apprendre beaucoup de choses en matière de
santé."

Sages-femmes, rebouteuses et herboristes renforcent la médecine traditionnelle

Dans un coin du Caracol de La Realidad on est en droit d’apprécier la
construction presque terminée d’un nouvel espace. Il s’agit d’un
laboratoire d’herboristerie et d’une maison de conservation des aliments,
qui s’unissent à un projet de santé qui est l’orgueil de cette zone : la
formation de plus de 300 femmes herboristes, rebouteuses et sages-femmes.

"Ce rêve, expliquent-ils, naquit lorsque nous nous rendîmes compte que se
perdait le savoir de nos anciens et anciennes. Ils savent guérir les os ou
les entorses, connaissent l’usage des herbes, savent aider les femmes à
accoucher, mais toute cette tradition se perdait avec l’usage des
médicaments pharmaceutiques. Alors, nous avons conclu un accord entre les
villages et lancé un appel à tous les hommes et toutes les femmes qui
connaissaient la médecine traditionnelle. Cette convocation ne fut pas
aisée. Beaucoup de compañeros et de compañeras, au début, ne voulaient pas
partager leurs connaissances, ils disaient que c’était un don qui ne
pouvait pas se transmettre parce que c’est quelque chose que l’on porte en
soi. Ensuite, il y eut une prise de conscience dans les villages, les
conversations avec nos responsables de la santé et on parvint à ce que
beaucoup d’entre eux changent de comportement et se décident à participer
aux cours. Ils furent une vingtaine d’hommes et de femmes, personnes âgées
de nos villages, qui se décidèrent à être professeurs de médecine
traditionnelle et ils furent 350 élèves à se faire inscrire, des femmes en
grande majorité. Maintenant se sont multipliées les sages-femmes, les
rebouteuses et les herboristes dans nos villages."

Le nouveau laboratoire d’herboristerie a lui aussi une histoire : "Il
arriva qu’un footballeur italien décédé laissât un héritage pour que soit
construit un terrain de football dans un village zapatiste. De ce terrain,
seul allait en bénéficier le village de Guadalupe Tepeyac, aussi
avons-nous parlé avec tout le village et leur avons expliqué qu’il y avait
d’autres besoins plus urgents pour le bénéfice de tous les villages,
comme, par exemple, un espace pour que puissent travailler les compañeras
qui se vouent à la médecine traditionnelle. Le peuple comprit et dit que
c’était bien, qu’il était juste de destiner cet argent à la santé de tous
 ; le second pas fut de parler avec les donateurs et, eux, au début, ne
voulaient pas que l’on utilise l’argent pour autre chose, mais ensuite ils
dirent que c’était bien."

Plus de 300 promoteurs d’éducation donnent des cours dans leurs villages

Un autre domaine où l’on travaille contre vents et marées pour vaincre les
inerties internes et les campagnes gouvernementales de
contre-insurrection, est celui de l’éducation. "Pour nous, l’éducation de
nos enfants est la base de notre résistance. Cela a beaucoup servi dans
nos villages et l’idée est née parce que la majorité d’entre nous n’a pas
eu d’éducation ou, si nous en avons eu, elle fut très mauvaise, dispensée
à l’école officielle. Il n’y avait pas d’écoles dans les communautés et
lorsque nous en avions une, il n’y avait pas de professeur, et s’il y en
avait il ne se présentait pas à son poste et alors il n’y avait pas de
cours. C’était ainsi, avant", expliquent les autorités autonomes de cette
région.

En 1997, on a commencé à élaborer des plans et programmes d’études, et
sept années plus tard on compte déjà trois générations de promoteurs
d’éducation ayant les certificats d’aptitude pour donner des cours dans
leurs villages. "Dans nos écoles on enseigne l’histoire du Mexique, mais
l’histoire réelle, ce qui s’est passé avec les combattants de ce pays. On
enseigne aussi aux enfants l’histoire de notre lutte zapatiste, qui est la
lutte du peuple", affirme Fidel, promoteur d’éducation.

"La majorité des villages ont déjà leurs promoteurs d’éducation, ils nous
manque seulement trente communautés et les villages des quatre communes
seront au complet", signale pour sa part le conseil de bon gouvernement.

Dans cette région, exactement ici à La Realidad, s’organisa pour la
première fois l’éducation autonome zapatiste, en 1997. En 1999 et en 2001,
on remit des certificats d’aptitude à deux autres groupes de promoteurs,
capables de préparer 300 indigènes pour qu’ils donnent des cours dans
leurs villages. Cependant, commentent les représentants du conseil, "nous
avons ce problème que quelques promoteurs célibataires se découragent
lorsqu’ils se marient, ou parce que leur village ne les soutient pas
beaucoup, ou bien il y en a certains qui partent travailler aux
États-Unis. À cela, nous essayons de voir comment y remédier parce que, de
fait, existe la désertion de promoteurs".

En ce moment, pendant que se déroule l’entrevue avec le conseil, est mené
à son terme à La Realidad un cours de mise à niveau avec plus de 70
promoteurs, hommes et femmes. "Ceux que tu vois en ce moment qui marchent
dans le Caracol sont en train de suivre un cours qui leur est nécessaire
pour que se nivellent les connaissances, qu’elles se mélangent ainsi, pour
ensuite pouvoir passer à un deuxième niveau du certificat d’aptitude,
quelque chose comme l’enseignement secondaire, mais ici nous n’allons pas
l’appeler ainsi", explique Doroteo.

Dans les quatre communes rebelles de la zone forestière frontalière, il
existe 42 nouvelles écoles communautaires : 10 dans la commune Libertad de
los Pueblos Mayas ; 4 dans General Emiliano Zapata ; 20 à San Pedro de
Michoacán et 8 à Tierra y Libertad. Les écoles ont un sol en ciment, un
toit en tôle et des murs en bois. Toutes possèdent leur tableau noir, des
pupitres d’écolier, le drapeau du Mexique et, bien sûr, le drapeau
zapatiste, et il y en a quelques-unes qui possèdent des magnétophones et
autres matériels didactiques.

Pour s’occuper de l’éducation dans les trente communautés qui manquent de
promoteurs, le conseil de bon gouvernement donnera prochainement
rendez-vous aux responsables "pour leur faire prendre conscience de
l’importance de ce travail. Nous n’obligeons personne, il s’agit de faire
comprendre aux peuples combien c’est important et qu’ils agissent en ce
sens dans leurs villages parce qu’ils sont convaincus que cela est utile".
La majeure partie des communautés de cette région possèdent deux écoles :
une officielle et une autre, autonome. Et les zapatistes affirment que
dans leurs écoles "nos enfants apprennent à lire et à écrire les premiers,
et ils sont plus conscients. Nous ne rendons pas responsables de cela les
maîtres de l’école officielle, mais c’est un fait qu’ils délaissent
beaucoup leurs classes parce qu’ils ont souvent des réunions, et nos
promoteurs, eux, n’ont pas de congés et ne reçoivent pas de salaires".

Le gouvernement autonome compte seulement une femme

Le conseil de bon gouvernement Hacia la esperanza est composé de sept
hommes et de seulement une femme. Trois des quatre conseils autonomes ne
comptent aucune femme et seule la commune autonome Tierra y Libertad a une
intégrante. D’autre part, sur plus de 100 promoteurs d’éducation, seules 6
sont des femmes (5 de la commune autonome Tierra y Libertad et 1 de San
Pedro de Michoacán). Les deux autres communes de cette région, General
Emiliano Zapata et Libertad de los Pueblos Mayas, n’ont pas une seule
femme responsable de l’éducation.

Sur le terrain de la santé, la chance ne sourit pas plus aux femmes. Il
existe uniquement 7 promotrices dans les quatre communes, 5 de Libertad de
los Pueblos Mayas et 2 de Tierra y Libertad.

"Nous sommes conscients, reconnaît le conseil, qu’en cette zone la
participation des femmes est encore faible, mais nous voyons aussi un
petit progrès, car avant on ne pouvait même pas seulement imaginer qu’une
femme puisse participer. Il y a encore beaucoup à faire mais le changement
doit commencer au sein de la cellule familiale.

Nous-mêmes, affirment-ils, comme conseil de bon gouvernement, devons faire
plus de travail politique dans les villages, avec les familles de nos
compañeras. Malheureusement, il est encore trop ancré dans la tête de
beaucoup que leurs filles, si elles sortent de leurs villages, prennent le
risque de mal tourner. Cela existe encore. C’est pour cela qu’il est
nécessaire de renforcer la discussion et le travail. Nous autres, ici, au
sein du conseil, nous avons une compañera et elle va avec nous partout et
jamais nous n’avons eu de problème, parce que nous la respectons et elle
nous respecte. Beaucoup d’hommes des villages pensent encore que les
femmes peuvent se créer des problèmes si elles vont travailler avec des
hommes, mais ce n’est pas comme cela. Alors, donc, il faut encore plus
faire prendre conscience aux époux et aux pères de ce fait, ils doivent se
mettre dans la tête que nous tous, hommes et femmes, avons les mêmes
droits."

Combattre le coyotage, autre défi

Dans la communauté Veracruz, les zapatistes se servent d’un entrepôt
d’approvisionnement pour livrer des centaines de petites boutiques
communautaires, zapatistes et non-zapatistes. L’entrepôt Para todos todo
est utile pour que les responsables des boutiques des villages économisent
le voyage pour s’approvisionner à Margaritas ou à Comitán. Au vu du succès
commercial du local, un autre entrepôt de ravitaillement s’est créé dans
le village de Betania et un autre dans celui de Playa Azul. Ces entrepôts
fournissent toute la zone et commercialisent huile, jambon, sel, sucre et
aussi haricots, maïs et café des villages.

Durant trois ans et demi, les gains de l’entrepôt de Veracruz ont été
utilisés pour appuyer économiquement les promoteurs de la santé qui
travaillent à l’hôpital central. 100 641 pesos furent attribués à cette
tâche. Les gains, explique le conseil, servirent aussi à payer les voyages
des conseils autonomes et d’autres déplacements de l’organisation. Au
total, furent dépensés 116 614 pesos en aides diverses.

Dans ces mêmes entrepôts est commercialisé le maïs qu’achète le conseil de
bon gouvernement, dans le cadre d’un projet qui prit corps afin de
combattre les intermédiaires (coyotes), qui achètent le maïs à bas prix et
le vendent ensuite plus cher. Le produit de la vente est pour le travail
du conseil et des quatre communes autonomes de la région.

"Cette première année, nous avons acheté plus de 500 sacs de maïs, quelque
chose comme 44 tonnes. Nous en avons vendu la moitié, et le reste, nous le
conservons entreposé et nous le commercialisons, y compris jusqu’à la
côte", signale Doroteo.

Dans l’espace du Caracol, juste en face du bureau du conseil, une grosse
semi-remorque rouge attend, en stationnement. Il s’agit du "Chompiras", un
camion, récente acquisition que le conseil utilise pour la
commercialisation de ses produits. Le Chompiras parcourt la forêt et
voyage jusqu’à la côte et les Altos afin de distribuer les marchandises.
Ils ont aussi un petit bus de voyageurs qui fait le trajet de Margaritas à
San Quintin, dont les premiers gains furent investis dans la création
d’une boutique épicerie-bazar régionale.

"Les difficultés n’en finissent pas, c’est comme si nous n’y arrivions
jamais... Bon mais à présent nous avons même Internet et déjà nous avons
appris à l’utiliser pour pouvoir gérer directement notre communication. Ce
que nous ressentons, surtout, c’est que nous avons une grande
responsabilité. Parfois, nous avons l’impression que le monde va nous
tomber dessus, parce que gouverner est difficile, surtout si on commande
en obéissant, et nous n’avons pas de recours. Quelquefois, nous pensons
que nous sommes comme drogués aux problèmes, il semblerait qu’ils nous
aient pris en affection, mais ici nous allons apprendre à les résoudre",
concluent les trois membres du conseil de bon gouvernement interviewés.

Les traductions ont été faites par Martine, Chantal, Christine, Antoine,
Michelle et Julio ; la relecture par Éva. Le CSPCL les remercie
chaleureusement.