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MEXICO : L’AEROPORT, CARLOS SLIM ET LOPEZ OBRADOR (2)

Un nouvel aéroport international pour « Mister Slim »

dimanche 30 septembre 2018

Un nouvel aéroport international pour « Mister Slim »

Parmi les principaux promoteurs du nouveau méga-projet aéroportuaire de la ville de Mexico, un nom revient sans cesse : Carlos Slim. Par le biais de ses banques, de ses fonds d’investissement et de ses innombrables sociétés, sa participation à la construction du nouvel aéroport et les bénéfices qu’il en attend sont immenses. Mais qui est-il, et quels sont les intérêts qu’il représente ?

Carlos Slim et le nouveau projet d’aéroport, 17 avril 2018

Bien qu’étant à la tête d’une des plus grosse fortunes mondiales, estimée à près de 55 milliards de dollars en 2017, Carlos Slim reste relativement méconnu en dehors du Mexique. Au même titre que ses collègues et amis Warren Buffet, Georges Soros et Bill Gates, avec qui il ne cesse de multiplier les projets les plus inquiétants [1], il est pourtant l’une des figures-clé du capitalisme actuel. Au sein de la presse financière internationale et des grands médias commerciaux mexicains, s’est diffusée à son sujet l’image d’un honnête homme, fils d’immigrés libanais, ingénieur devenu entrepreneur, et dont la trajectoire et la fortune seraient avant tout dues à son don naturel pour le calcul mental et à ses talents de boursicoteur. La réalité est cependant beaucoup moins politiquement correcte.

Fils d’un des plus importants commerçants libanais du centre-ville de Mexico, le destin de Carlos Slim ne décolle en effet réellement qu’à partir de 1965, lorsque celui-ci décide de se marrier avec la jeune Soumaya Gemayel Domit. Celle-ci, héritière d’une des plus grosses fortunes libanaises du Mexique, était aussi membre par sa mère du célèbre "clan Gemayel", à la tête, depuis 1936, de la principale formation chrétienne fasciste et anticommuniste du Liban, les “phalanges libanaises” [2].

meeting des "phalanges libanaises" en 2005 en l’honneur de Pierre Gemayel, le héros fondateur...

Selon le journaliste indépendant Diego Osorno, les parents des deux jeunes époux n’étaient pas seulement des figures centrales de la communauté libanaise au Mexique, mais aussi parmi les plus fervents soutiens mexicains de la formation paramilitaire libanaise. Avec l’aide d’un certain Julian Slim, jeune officier de la "DFS", la police politique mexicaine, le père de Soumaya s’était notamment appliqué à étendre les réseaux de l’organisation en Amérique latine. L’union de sa fille avec Carlos, le prometteur petit frère, n’était alors pas pour lui déplaire... C’est ainsi qu’un mois après sa mort, sous l’auspice du macabre Marcial Maciel, fondateur de la tristement célèbre « Légion du Christ », le mariage fut entériné entre les deux familles [3].

Fruit de l’union entre les deux époux, naquit quelques mois plus tard le désormais tentaculaire fonds d’investissement “CARSO” (contraction de “CAR-los Slim” et de “SO-umaya Gemayel”). Avec des fonds dont il serait bien difficile d’établir aujourd’hui s’ils provenaient de la fortune paternelle ou, autre hypothèse, de celle du puissant et richissime clan libanais de son épouse, Carlos Slim commença alors à racheter en bourse un nombre incalculable de sociétés mexicaines... Suite à la guerre civile libanaise, durant laquelle les phalanges jouèrent un rôle des plus macabres, et alors que le Liban était dirigé par Amine Gemayel, l’un des cousins de Soumaya, la mystérieuse fortune de Carlos Slim lui permit notamment de racheter un certain nombre de grandes entreprises en voie de privatisation, telles que le service téléphonique mexicain. Le groupe Carso est devenu depuis lors l’un des plus grands conglomérats d’entreprises du monde, et la fortune de Carlos Slim n’a cessé d’enfler, au point de représenter près de 6% du Produit National Brut mexicain en 2015, selon le quotidien mexicain El Universal.

quelques-unes des compagnies de Carlos Slim

Les avoirs capitalistes de Carlos Slim se déploient dans tous les domaines : la gestion financière avec Inbursa, l’une des principales sociétés bancaires du Mexique, la téléphonie avec Telcel et America Mobil, l’un des plus grands groupes de téléphonie mondiale, l’exploitation minière avec Frisco Group, propriétaire de nombreuses mines au Mexique et en Amérique latine, l’industrie métallurgique, le pétrole et le gaz à travers les groupes Condumex, Nacobre et Carso Energy, d’innombrables boutiques et centres commerciaux à travers les groupes Sears et Sanborns, et, surtout, la promotion et la construction immobilière, à travers les sociétés Inmobiliaria Carso (centres commerciaux, logements, bureaux, hôtels, hôpitaux et campus...), CICSA (Carso Infrastructure et Construction), IDEAL (« Impulsora del Desarrollo y el Empleo en América Latina ») et, depuis 2014, au travers de la multinationale catalane FCC, l’un des poids lourds mondiaux du bâtiment et de la construction de gigantesques infrastructures.

Les participations des entreprises liées à Carlos Slim dans la construction de l’aéroport sont nombreuses et se situent à tous les échelons : depuis la conception du projet, réalisée par le cabinet d’architecte de son gendre, son financement, assuré en partie par les fonds d’investissements de sa banque Inbursa, ainsi qu’à sa réalisation, les principaux contrats de construction du terminal et de plusieurs pistes aériennes ayant justement été attribués à ses sociétés CICSA, IDEAL et FCC... [4]

réhabilitation des terrains de l’ancien aéroport, plans de Carlos Slim

Au-delà de ses multiples participations dans le financement et la construction de l’aéroport, les ambitions de Carlos Slim vont bien au-delà de la simple construction de pistes d’atterrissage. Fin 2017, peu après le tremblement de terre, celui-ci annonçait en effet publiquement son ambition de remodeler l’urbanisme de toute la partie orientale de la ville, tout particulièrement sur les milliers d’hectares qui seraient laissés en friche lorsque l’aéroport actuel serait condamné à la fermeture. Carlos Slim souhaiterait en effet y aménager un nouveau gigantesque boulevard, plus luxueux encore que l’actuel « Paseo de la Reforma » situé à l’ouest de la ville (équivalent mexicain des Champs Élysées parisiens). Sur les terrains avoisinants pourraient selon lui être édifiées les premières bases d’une nouvelle « ville du futur » : des centres de tourisme et de récréation, de nouveaux quartiers de bureaux et de logements de haut-standing, ainsi que des centres hospitaliers et universitaires privés... Un projet global, dont l’impact économique n’aurait, selon le magnat mexicain, pas d’autre égal « que la construction, au début du 20e siècle, du canal de Panama » [5].

réhabilitation des terrains de l’ancien aéroport, plans de Carlos Slim

De gigantesques profits en perspective, confrontés cependant à un problème majeur : la promesse électorale faite par Lopez Obrador, vainqueur des dernières élections présidentielles, de suspendre définitivement la construction du nouvel aéroport...

(A suivre...)

Siete Nubes


NOTE, 29 septembre 2018 : Un défenseur de l’environnement assassiné dans l’Etat de Mexico.

Depuis de nombreuses années, il se battait pour préserver la colline Tenayo, dévastée par la mine qui en extrait des roches afin de construire le nouvel aéroport de la ville de Mexico.

Ce samedi 28 septembre, à 11 heures du matin, l’ingénieur forestier Jésus Javier Ramos Arreola, 59 ans, a été assassiné à son domicile dans le village de San Rafael, municipalité de Tlalmanalco (Etat de Mexico) par un sujet non identifié. L’ingénieur avait fortement critiqué les autorités locales pour la concession de cette mine et les détournements d’argent occasionnés à la communauté. Durant les mois antérieurs d’autres défenseurs de la communauté avaient été sérieusement menacés. Dernièrement, Jésus Javier Ramos Arreola avait manifesté durant une conférence de presse son adhésion à la Plateforme organisative des villages contre le Nouvel Aéroport et l’Aérotropolis, qui se bat aux côtés d’Atenco et du Front des Villages en Défense de la Terre contre la construction du Nouvel Aéroport. Plus de nouvelles prochainement


[1En 1993, les fondations de Bill Gates et de Carlos Slim s’étaient par exemple associées afin de permettre l’ouverture à Texcoco d’un nouveau centre international de recherche génétique sur les variétés de blé et de maïs. Lié aux grandes multinationales du secteur agroalimentaire, le CIMMYT encourage notamment la cultures de nouvelles espèces transgéniques...

[2Il serait bien difficile de résumer ici en quelques lignes le rôle fondamental joué par les “phalanges libanaises” dans l’histoire du Liban et des cruelles guerres civiles qui l’ont secoué. Fondées par Pierre Gemayel, leader nationaliste issu d’une grande famille chrétienne maronite et admirateur des phalanges espagnoles et de Mussolini, les “phalanges” ont constitué l’une des principales forces politiques et para-militaires du Liban, au parti pris résolument pro-occidental, et farouchement anti-palestinien et anti-communiste. Parmi les nombreux attentats et massacres commis par leur formation paramilitaire durant la guerre civile, l’opinion publique a principalement retenu celui perpétré en 1982 à Beirouth contre les camps palestiniens de Sabra et Chatilah (plusieurs milliers de morts).

[3Diego OSORNO, Slim, Biografía política del mexicano más rico del mundo, ed. 2015. La Légion du Christ, organisation catholique d’extrême-droite fondée par le prêtre pédophile et antisémite Marcial Maciel, a joué un rôle majeur dans l’après-guerre dans la formation et l’endoctrinement de la haute-bourgeoisie mexicaine. Carlos Slim et Soumaya Gemayel furent durant longtemps parmi ses principaux mécènes. Les liens politiques et économiques ayant pu avoir existé entre celle-ci, Carlos Slim et les organisations chrétiennes libanaises d’extrême-droite n’ont cependant jamais été étudiés jusqu’ici...

[4Les entreprises de Carlos Slim ne sont évidemment pas les seules impliquées dans la construction de l’aéroport. Au-delà des nombreuses banques internationales que l’on mentionnera plus tard plus en détail, les autres contrats de construction ont notamment été attribués à Hipolito Gérard, beau-frère de l’ancien Président Carlos Salinas de Gortari, ainsi qu’aux diverses entreprises de la famille mafieuse Hank Rhon, liée à Enrique Peña Nieto et au “clan Atlacomulco”.

[5El sueño de la ciudad Slim y el nuevo Paseo de la Reforma”, 17 avril 2018 et extrait de la conférence de presse de Carlos Slim.